2023 est derriĂšre nous, il est temps de faire le bilan. Rassurez-vous, jâai un vrai sujet de rĂ©flexion, je ne vais pas causer uniquement de chiffres. Toutefois⊠il faut regarder les choses en face et ĂȘtre honnĂȘte envers soi-mĂȘme : on a Ă©vitĂ© la catastrophe, dâun cheveu. Ce nâest pas un secret, le secteur de lâinsertion socio-professionnelle nâest pas au mieux de sa forme et les mastodontes tels que la FUNOC nâĂ©chappent pas Ă la rĂšgle. RetombĂ©es du Covid (ces habitudes dont il est difficile de se sortir), la morositĂ© ambiante, la perte de confiance en lâavenir tout ça, tout ça. On nâest certes pas gĂątĂ©s par lâĂ©poque.
Le premier semestre de 2023 a Ă©tĂ© vraiment compliquĂ© ! Les chiffres ont failli faire fondre de honte les murs de mon bureau. Heureusement, lâĂ©quipe a pris les choses en mains. On a mis les bouchĂ©es doubles, on est sorti Ă la rencontre de nos publics, on a dĂ©multipliĂ© les projets et mis un maximum dâĂ©nergie sur la communication. Les efforts ont payĂ©. Le deuxiĂšme semestre 2023 affiche une augmentation de nos heures de 30% ! Qui dit mieux ?
On pourrait donc se sentir confiant et je le suis dans une certaine mesure. Mais il existe une rĂ©alitĂ©, un fait qui mâobnubile, pour ne pas dire qui me fait royalement sortir de mes gonds et qui sape les rĂ©sultats du secteur. Nous aurons beau faire tous les efforts du monde, atteindre nos chiffres, rĂ©ussir Ă redresser la barre (et nous le ferons), une petite Ă©pine agaçante restera plantĂ©e dans notre pied tant que lâon ne lâaura pas dĂ©logĂ©e Ă grands coups de tenailles.
Quâest-ce donc ? La mĂ©thode de calcul de nos subventions.
Je mâexpliqueâŠ
Nos subsides nous sont allouĂ©s en fonction dâun pourcentage dâheures prestĂ©es par nos stagiaires ou non. Ainsi, un nombre dâheures minimales a Ă©tĂ© fixĂ© par le pouvoir subsidiant quâil nous faut atteindre si nous voulons percevoir la totalitĂ© de nos kopecks. Si nous ne rĂ©alisons quâun pourcentage de ce chiffre, autrement dit si nos stagiaires ne sont pas suffisamment nombreux ET prĂ©sents en cours, nos subsides sont amputĂ©s en consĂ©quence. Cela apparait logique et honnĂȘte de prime abord. Et de fait, cela fonctionne trĂšs bien pour de nombreux secteurs. MAIS⊠Mais, maisâŠ
Toute cette belle et (normalement) pertinente thĂ©orie sâeffondre si lâon tient compte de NOTRE public. Effectivement, la Funoc sâoccupe dâun public plus que fragilisĂ©. Nous tentons dâaider les laissĂ©s pour compte de la sociĂ©tĂ©, les oubliĂ©s de capital, des gens qui reviennent de loin, qui essaient en tous cas. En vrai : sans doute lâun des publics les plus volatiles de notre sociĂ©tĂ© moderne !
Volatile car il fait face Ă un cumul de discriminations qui rend sa vie dâautant plus compliquĂ©e et quâil lui faut donc savoir gĂ©rer ses prioritĂ©s entre nourrir sa famille et rĂ©gler ses principales difficultĂ©s.
Tu reçois ton argent si le stagiaire assiste bien au cours. Cela peut sembler facile partout ailleurs. Mais dâune part, lâacquisition de compĂ©tence nâest quâune partie de notre travail, (câest sans compter tout lâaspect social) et, dâautre part, nos stagiaires ont les plus grandes difficultĂ©s Ă sâastreindre Ă une tĂąche sur le long terme. Comment les forcer Ă assister Ă tous les cours ? Comment les forcer Ă faire preuve dâassiduitĂ©, comme leur interdire dâarrĂȘter ? Nous ne le pouvons tout simplement pas. Nous pouvons les sensibiliser Ă©videmment, les encourager, les motiver, les prendre par la main mais nous ne pouvons, ni ne devons les obliger !
Qui sommes-nous ?
Et nâen dĂ©plaise au cher GLB qui sâinterroge sur combien de personne les CISP remettent rĂ©ellement sur le chemin de lâemploi, il faut du temps avec notre public. Du temps pour convaincre, du temps pour Ă©couter, du temps pour repĂȘcher. Il faut accepter lâĂ©chec passager, les bas qui vont immanquablement de pair avec les hauts. Quâest-ce quâune heure de plus ou de moins dans le cas dâune personne qui nâa aucune formation, qui est Ă deux doigts de se retrouver Ă la rue ? Quâest-ce quâune heure par rapport Ă une vie passĂ©e dans le besoin ? Hein ?! Or ce sont ces heures, ces fameuses heures qui sont la seule mesure de notre rĂ©ussite ! Chiffres et productivitĂ©.
Nous ne pouvons pas fonctionner et faire notre mĂ©tier dans les meilleures conditions si nous sommes tenus par la rentabilitĂ© brute. Toutes les heures ne se valent pas ici. Ă la Funoc, les heures investies ne reprĂ©sentent rien. Un formateur devrait ne pas Ă©couter un stagiaire et lâaider concernant un problĂšme personnel pendant une demi-heure aprĂšs les cours sous prĂ©texte que cette heure nâest pas valorisable ? Devrions nous chĂątier ce stagiaire en perte de vitesse car son absence dâun jour nous coute de lâargent (indirectement mais câest trĂšs concret) ? Câest pourtant la rĂ©alitĂ©. Mais une rĂ©alitĂ© Ă laquelle je ne peux dĂ©cemment pas adhĂ©rer.
Du coup lâon se donne deux fois plus de mal pour combler et ainsi assurer la survie de notre asbl sans pour autant rĂ©duire la qualitĂ© de lâaide que lâon offre. Mais Ă quel prix ? LâĂ©puisement, le ras-le-bol parfois.
Revoyez vos maniĂšres de compter messieurs les dĂ©cideurs. Il est temps. Car, de plus en plus, jâaurais tendance Ă croire ce bon vieux Jacques. Comme lâannonce le titre de ce billet dâhumeur : chez ces gens-lĂ , vous messieurs du capital, on ne pense pas⊠on compte ! Et nous, pendant ce temps-lĂ , on nous prend vraiment pour des brĂȘles !
đđ». đŁđžđŸđ»đ·đžđ, directeur gĂ©nĂ©ral de la FUNOC.