Les billets d’humeur de đ“œđ“». đ“Łđ“žđ“Ÿđ“»đ“·đ“žđ”‚ ☛ CHEZ CES GENS-LÀ, MONSIEUR, ON NE PENSE PAS, ON COMPTE !

2023 est derriĂšre nous, il est temps de faire le bilan. Rassurez-vous, j’ai un vrai sujet de rĂ©flexion, je ne vais pas causer uniquement de chiffres. Toutefois
 il faut regarder les choses en face et ĂȘtre honnĂȘte envers soi-mĂȘme : on a Ă©vitĂ© la catastrophe, d’un cheveu. Ce n’est pas un secret, le secteur de l’insertion socio-professionnelle n’est pas au mieux de sa forme et les mastodontes tels que la FUNOC n’échappent pas Ă  la rĂšgle. RetombĂ©es du Covid (ces habitudes dont il est difficile de se sortir), la morositĂ© ambiante, la perte de confiance en l’avenir tout ça, tout ça. On n’est certes pas gĂątĂ©s par l’époque.


Le premier semestre de 2023 a Ă©tĂ© vraiment compliquĂ© ! Les chiffres ont failli faire fondre de honte les murs de mon bureau. Heureusement, l’équipe a pris les choses en mains. On a mis les bouchĂ©es doubles, on est sorti Ă  la rencontre de nos publics, on a dĂ©multipliĂ© les projets et mis un maximum d’énergie sur la communication. Les efforts ont payĂ©. Le deuxiĂšme semestre 2023 affiche une augmentation de nos heures de 30% ! Qui dit mieux ?


On pourrait donc se sentir confiant et je le suis dans une certaine mesure. Mais il existe une rĂ©alitĂ©, un fait qui m’obnubile, pour ne pas dire qui me fait royalement sortir de mes gonds et qui sape les rĂ©sultats du secteur. Nous aurons beau faire tous les efforts du monde, atteindre nos chiffres, rĂ©ussir Ă  redresser la barre (et nous le ferons), une petite Ă©pine agaçante restera plantĂ©e dans notre pied tant que l’on ne l’aura pas dĂ©logĂ©e Ă  grands coups de tenailles.


Qu’est-ce donc ? La mĂ©thode de calcul de nos subventions.
Je m’explique



Nos subsides nous sont allouĂ©s en fonction d’un pourcentage d’heures prestĂ©es par nos stagiaires ou non. Ainsi, un nombre d’heures minimales a Ă©tĂ© fixĂ© par le pouvoir subsidiant qu’il nous faut atteindre si nous voulons percevoir la totalitĂ© de nos kopecks. Si nous ne rĂ©alisons qu’un pourcentage de ce chiffre, autrement dit si nos stagiaires ne sont pas suffisamment nombreux ET prĂ©sents en cours, nos subsides sont amputĂ©s en consĂ©quence. Cela apparait logique et honnĂȘte de prime abord. Et de fait, cela fonctionne trĂšs bien pour de nombreux secteurs. MAIS
 Mais, mais



Toute cette belle et (normalement) pertinente thĂ©orie s’effondre si l’on tient compte de NOTRE public. Effectivement, la Funoc s’occupe d’un public plus que fragilisĂ©. Nous tentons d’aider les laissĂ©s pour compte de la sociĂ©tĂ©, les oubliĂ©s de capital, des gens qui reviennent de loin, qui essaient en tous cas. En vrai : sans doute l’un des publics les plus volatiles de notre sociĂ©tĂ© moderne !
Volatile car il fait face Ă  un cumul de discriminations qui rend sa vie d’autant plus compliquĂ©e et qu’il lui faut donc savoir gĂ©rer ses prioritĂ©s entre nourrir sa famille et rĂ©gler ses principales difficultĂ©s.


Tu reçois ton argent si le stagiaire assiste bien au cours. Cela peut sembler facile partout ailleurs. Mais d’une part, l’acquisition de compĂ©tence n’est qu’une partie de notre travail, (c’est sans compter tout l’aspect social) et, d’autre part, nos stagiaires ont les plus grandes difficultĂ©s Ă  s’astreindre Ă  une tĂąche sur le long terme. Comment les forcer Ă  assister Ă  tous les cours ? Comment les forcer Ă  faire preuve d’assiduitĂ©, comme leur interdire d’arrĂȘter ? Nous ne le pouvons tout simplement pas. Nous pouvons les sensibiliser Ă©videmment, les encourager, les motiver, les prendre par la main mais nous ne pouvons, ni ne devons les obliger !


Qui sommes-nous ?


Et n’en dĂ©plaise au cher GLB qui s’interroge sur combien de personne les CISP remettent rĂ©ellement sur le chemin de l’emploi, il faut du temps avec notre public. Du temps pour convaincre, du temps pour Ă©couter, du temps pour repĂȘcher. Il faut accepter l’échec passager, les bas qui vont immanquablement de pair avec les hauts. Qu’est-ce qu’une heure de plus ou de moins dans le cas d’une personne qui n’a aucune formation, qui est Ă  deux doigts de se retrouver Ă  la rue ? Qu’est-ce qu’une heure par rapport Ă  une vie passĂ©e dans le besoin ? Hein ?! Or ce sont ces heures, ces fameuses heures qui sont la seule mesure de notre rĂ©ussite ! Chiffres et productivitĂ©.


Nous ne pouvons pas fonctionner et faire notre mĂ©tier dans les meilleures conditions si nous sommes tenus par la rentabilitĂ© brute. Toutes les heures ne se valent pas ici. À la Funoc, les heures investies ne reprĂ©sentent rien. Un formateur devrait ne pas Ă©couter un stagiaire et l’aider concernant un problĂšme personnel pendant une demi-heure aprĂšs les cours sous prĂ©texte que cette heure n’est pas valorisable ? Devrions nous chĂątier ce stagiaire en perte de vitesse car son absence d’un jour nous coute de l’argent (indirectement mais c’est trĂšs concret) ? C’est pourtant la rĂ©alitĂ©. Mais une rĂ©alitĂ© Ă  laquelle je ne peux dĂ©cemment pas adhĂ©rer.


Du coup l’on se donne deux fois plus de mal pour combler et ainsi assurer la survie de notre asbl sans pour autant rĂ©duire la qualitĂ© de l’aide que l’on offre. Mais Ă  quel prix ? L’épuisement, le ras-le-bol parfois.


Revoyez vos maniĂšres de compter messieurs les dĂ©cideurs. Il est temps. Car, de plus en plus, j’aurais tendance Ă  croire ce bon vieux Jacques. Comme l’annonce le titre de ce billet d’humeur : chez ces gens-lĂ , vous messieurs du capital, on ne pense pas
 on compte ! Et nous, pendant ce temps-lĂ , on nous prend vraiment pour des brĂȘles !


đ“œđ“». đ“Łđ“žđ“Ÿđ“»đ“·đ“žđ”‚, directeur gĂ©nĂ©ral de la FUNOC.