Née en 1977, la Formation pour l’université ouverte de Charleroi (FUNOC) apparait d’emblée dans le cadre de ce qu’on appellera plus tard l’insertion socioprofessionnelle…. Si la FUNOC fait toujours preuve d’inventivité sociale aujourd’hui, c’est à l’originalité de sa naissance qu’elle le doit.
Dans le temps
À Charleroi, en juin 1977, quelques chercheurs soutenus par des représentants du mouvement ouvrier créent la Formation pour l’université ouverte de Charleroi[1]. En Europe, l’idée d’université ouverte est dans l’air du temps. Le concept d’université ouverte part du constat que le système d’enseignement exclut très tôt beaucoup d’enfants des couches populaires. Ceux-ci deviennent alors des travailleurs infrascolarisés. L’université ouverte vise donc à offrir une formation aux travailleurs et à élever leur niveau de qualification. L’idée est de favoriser la démocratisation de l’éducation et de la société.
À l’époque, le bassin industriel de Charleroi est une région particulièrement touchée par la crise. C’est aussi une région avec une histoire économique et sociale riche. C’est donc une région où les appareils du mouvement ouvrier organisé, chrétien et socialiste, sont très présents. D’ailleurs, dès sa fondation, les coprésidents de la FUNOC sont le secrétaire régional du Mouvement ouvrier chrétien et le secrétaire régional du syndicat FGTB. Cette situation persiste encore aujourd’hui. En 1977, ces personnes étaient Germain Cappelman pour le MOC et Aimé Lacroix pour la FGTB. Ils soutiennent dès le début le projet et ses deux principaux promoteurs : Paul Demunter et Christiane Verniers. Kristou, c’est son surnom, deviendra directrice de la FUNOC. Elle le sera jusqu’en 2004 (Joëlle Vangasse prendra le relais avant de laisser la place à Thierry Tournoy en 2022).
Concrètement
Concrètement, la FUNOC s’adresse au public ouvrier et aux couches de la population qui leur sont proches. D’ailleurs, la première expérience de formation est une action collective de formation dans les quartiers populaires de Marchienne[2].
La FUNOC développe des formations basées sur la pédagogie active et participative. L’objectif de la méthode est de supprimer la hiérarchie entre les enseignants et les élèves, de valoriser les connaissances déjà acquises par les apprenants et apprenantes, et d’inscrire la formation dans une perspective d’émancipation individuelle et collective. Une perspective envisagée sous l’angle de ce que l’on appellera la qualification sociale.
La qualification sociale, évidemment
Importé de France et porté par Bertrand Schwartz[3], le concept de qualification sociale est utilisé pour la première fois à la FUNOC en 1982[4]. Des éléments de qualification sociale étaient déjà présents, mais épars dès le début du projet FUNOC. Le concept leur donne plus de cohérence et permet de mieux en mesurer le processus[5]. La qualification sociale est articulée à la formation générale de base et à la formation professionnalisante.
Élément capital : les Moyens
Association sans but lucratif, la FUNOC ne peut fonctionner que grâce aux pouvoirs publics. Au départ, la Ville de Charleroi et ce que l’on appelait alors le ministère de la Culture donnent quelques subsides. La FUNOC put très vite engager des travailleurs dont le cout salarial était assuré en tout ou en partie par les pouvoirs publics (CST, TCT, etc.). C’est encore le cas aujourd’hui. Pendant de nombreuses années, le Fonds social européen est la principale source de financement de la FUNOC. Ce fut ensuite la Région wallonne dans le cadre de l’insertion socioprofessionnelle. La Funoc est reconnue organisme d’insertion socioprofessionnelle dans le cadre du décret de 2004 de la Région wallonne (puis comme centre d’insertion socioprofessionnelle en 2008). La FUNOC reçoit aussi d’autres subsides en fonction des projets développés. Par exemple, c’est l’Éducation permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui subsidie le journal L’Essentiel édité par la FUNOC.
L’air du temps dominant VS L’air du temps militant ?
« La FUNOC se voit obligée de couler ses objectifs dans le moule, souvent trop étroit, des normes de financement de la formation professionnelle. »[6] écrivait en 1997 Paul Demunter, un des fondateurs de la FUNOC. Le moule s’est resserré depuis. Les pouvoirs publics ont tendance à privilégier l’évaluation quantitative de la formation au détriment de l’évaluation qualitative. Il faut évidemment produire des heures de formation et mesurer l’adéquation entre l’offre de formation et le marché de l’emploi. Mais, il y a un risque : imposer à l’insertion socioprofessionnelle une logique de « marchandisation ».
Et pourtant, la FUNOC, fidèle à ses origines, porte toujours haut la contradiction d’offrir une formation de base ou professionnalisante hors pair aux personnes précarisées qui soit articulée à la qualification sociale. La qualification sociale envisagée n’est pas un supplément d’âme militant. Elle est intégrée dans le dispositif global de formation de la FUNOC. La qualification sociale est « conçue, non comme la moralisation des citoyens, mais comme un ensemble de moyens leur permettant de se défendre et de lutter pour transformer la société en une société plus égalitaire et plus juste. »[7] À la FUNOC, les personnes des couches populaires peuvent acquérir des compétences nécessaires à leur insertion socioprofessionnelle et aussi une « capacité créatrice à participer au changement social »[8]. Participer ainsi à plus d’égalité fait de la FUNOC un centre de formation sans égal.
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[1] Pour les détails, lire Les aléas d’un projet d’université au service des travailleurs, Paul Demunter, Contradictions n° 21, 1979
[2] Pour les détails, lire L’action collective de formation à Marchienne, Christiane Verniers, Contradictions n° 21, 1979
[3] L’insertion professionnelle et sociale des jeunes — Rapport au Premier ministre, Bertrand Schwartz, septembre 1981, La Documentation française
[4] Pour mieux comprendre les enjeux de la qualification sociale à la FUNOC, lire « La qualification sociale » : un nouveau besoin de formation ?, C.Verniers, Les Cahiers d’études du CUEEP, juin 1985
[5] Pour les détails, lire Intérêts de classe et qualification sociale, Christine Demunter, Contradictions n° 89 ; 1999
[6] Lire la « Bible » des 20 ans de la FUNOC, 20 ans d’éducation des adultes, Paul Demunter, Contradictions-L’Harmattan, 1997
[7] Dans la « Bible » (voir note 6)
[8] « La qualification sociale » : un nouveau besoin de formation ?, C.Verniers, Les Cahiers d’études du CUEEP, juin 1985